Bio et bio, un vin à plusieurs vitesses

Bio et bio, un vin à plusieurs vitesses

Depuis plusieurs semaines, nous partageons sur les réseaux sociaux des infographies sur les intrants et procédés œnologiques autorisés lors de la vinification. Comme beaucoup le pensent, ces pratiques ne sont d’ailleurs pas uniquement l’apanage du mode de production dit “conventionnel”, car elles sont pour la plupart autorisées dans la production de vin biologique. Et même si nous défendons avec conviction l’agriculture biologique, nous critiquons aussi son manque de transparence sur l’élaboration des vins. Car oui et vous le voyez bien, il existe un bio à plusieurs vitesses et la première question que l’on doit se poser est : “comment le savoir ?”. Encore une problématique de transparence qui pourrait donner du grain à moudre aux détracteurs du bio. Pourtant pas de doute, il existe quand même une frontière entre conventionnel et bio, principalement visible à la vigne et que nous verrons dans le premier paragraphe. Mais par contre au chai, le vin bio a plusieurs vitesses…

 

Qu’est-ce qu’un vin bio ?

Faisons simple, soyons clair : un vin bio n’est pas un vin conventionnel. Le vin bio est un vin dont les raisins n’ont pas été cultivés avec l’aide de produits de synthèse que l’on nomme pesticides et engrais chimiques. Puis c’est un vin qui doit respecter un cahier des charges lors de la vinification, avec des intrants et procédés œnologiques autorisés.

 

Le bio à la vigne, une frontière nette avec le conventionnel

Parlons d’abord de la vigne conduite en agriculture biologique, une véritable différence avec l’agriculture conventionnelle, raisonnée inclue. Et là pas de doutes à avoir, interdiction totale d’utiliser des herbicides de synthèse pour se séparer d’herbes en tout genre (souvent appelées “mauvaises herbes), d’insecticides de synthèse pour tuer des insectes pouvant être gênants (souvent appelés “nuisibles”) et de fongicides de synthèse systémiques (qui circulent dans la sève de la plante) pour écarter le mildiou ou l’oïdium (les champignons, maladies fongiques). C’est clair, c’est nette : interdiction totale.

 

En bio, les cultivateurs doivent donc désherber mécaniquement ou manuellement sans l’aide de molécules de synthèse. Labours, griffages à cheval ou la pioche pour les plus courageux et avec le tracteur ou un chenillard pour d’autres (tout aussi courageux). Pour écarter des nuisibles comme certains insectes, les vignerons utilisent par exemple des capsules à confusion sexuelle ou construisent des abris pour les oiseaux, prédateurs naturels d’insectes. Et enfin, pour écarter les attaques fongiques de certains champignons qui ont rejoint la cause du général mildiou, seules des molécules naturelles, dites de “contact” (qui ne circulent pas dans la sève) comme le cuivre sont utilisées, en plus de tisanes et de décoctions de plantes. Notez la différence entre “tuer” avec les produits conventionnels et “écarter” les menaces pour les produits utilisés en bio, différence philosophique notable.

 

Le bio lors de la vinification, une différence moins flagrante qu’à la vigne

Au chai, le constat d’une différence nette et précise est plus difficilement observable, en tout cas sur le papier. Car dans le cahier des charges des produits autorisés, bon nombre d’intrants oenologiques tels que les additifs et auxiliaires (correcteurs de vendanges, colles, enzymes) y sont admis, souvent les mêmes que dans le mode conventionnel. Un vin biologique devrait (normalement) montrer une production plus “naturelle” et sur ce point, elle est difficile à cerner.

C’est d’ailleurs l’objet de nos fameuses infographies postées chaque semaine sur les réseaux sociaux. Révélant qu’à chaque étape de la vinification, des dizaines d’intrants y sont autorisés. Comment savoir s’ils sont utilisés ?

Cela commence dès l’arrivée de la vendange avec les correcteurs de moût. Corriger un moût trop acide (certainement à cause d’un climat frais ou d’une récolte à sous maturité ou sous la pluie) avec du bicarbonate de potassium (poudre blanche inodore) ou bien du carbonate de calcium (poudre blanche très fine) est chose autorisée en bio, répandue même. Démarrer les fermentations à l’aide des 384 levures sèches actives* autorisées (granules rondes solubles dans le moût) est aussi chose autorisée et commune en bio, pourquoi le consommateur n’a t’il pas le droit de le savoir ?

*voir les fiches de levures recensées par le site Vitisphère : https://www.vitisphere.com/levures-vin-Tous-les-fabricants.html

 

Bien sûr, ce sont des produits autorisés mais pas forcément utilisés. De nombreux vignerons ne les utilisent pas tous, voire pas du tout, hormis l’additif le plus connu : le sulfite. Et pourtant leurs bouteilles sont estampillées d’un logo AB comme les autres domaines qui utilisent eux des produits. La seule façon de croire est donc de faire confiance… Vive la transparence !

Le consommateur vadrouille donc entre des vins bio à plusieurs vitesses. Des vins bio pouvant avoir été élaborés à l’aide de plusieurs produits, d’autres un peu moins et d’autres pas du tout. Question de philosophie ou est-ce parce que la liste des ingrédients n’est pas obligatoire sur les étiquettes des bouteilles ?

 

Sources : 

https://www.vitisphere.com/levures-vinification.html

https://www.vignevin.com/pratiques-oeno/index.php

 

Rédacteur : Willy Kiezer